Après les défis de l’expression, il y a le défi de l’audition. Disons-le d’un mot : nous sommes soumis à un déluge de paroles, mais de paroles qui sont vides, des paroles qui ne se réfèrent qu’à des réalités techniques, qu’à des mesures, qu’à des performances. Comment allons-nous résister à cela ? Chrétiens, en écoutant la Parole de Dieu, en écoutant l’hôte intérieur de nos âmes !
Nous devons écouter le monde, car il est une parole à travers laquelle Dieu nous parle.
Nous devons écouter l’Autre que Dieu place près de nous, notre prochain, car il est une parole à travers laquelle Dieu nous parle.
Nous devons écouter le pauvre, car il est une parole à travers laquelle Dieu nous appelle. Ecoutons tous ceux qui souffrent autour de nous, car Dieu nous parle à travers chacun d’eux.
Ecoutons l’hôte intérieur de nos âmes !
4/ Loi civile et loi morale
Il nous faut encore, en priant ce soir pour tous ceux qui nous gouvernent et plus particulièrement pour tous ceux qui vont rédiger la loi, nous rappeler un principe absolument fondamental. C’est ce que Saint Thomas More du reste nous rappelle, car il l’a incarné dans sa vie. « Une société civilisée se voit lorsque la morale (c’est-à-dire des principes qui gouvernent nos vies) sont distinctes des normes, des lois qui protègent l’ordre social de notre univers. »
Il y a donc deux niveaux de lois : la loi qui gouverne l’ordre social, c’est celui du législateur, et puis il y a la loi qui préside à l’expression du bien, du bien librement réalisé par amour, c’est la morale. Ces deux niveaux ne doivent jamais se confondre ! La loi civile ne peut jamais contraindre un citoyen à faire le bien, car le bien apparaît en tant que bien s’il est librement accompli. Il nous faut donc défendre le respect absolu de la liberté, car il est le premier gage de la moralité. A vouloir contraindre les élus et les citoyens à faire le bien par la loi, nous dérivons vers un régime où la force n’est plus celle de l’amour, de la responsabilité personnelle, mais celle de la violence, de la contrainte.
Saint Thomas More a payé le prix de cette distinction, il l’a payé de sa vie. Ce que le Roi Henri VIII voulait, il ne pouvait l’imposer à la liberté de son Chancelier. Lorsque l’homme ou la communauté des hommes perd le sens de la vérité, perd le sens authentique de la vie humaine, la vérité de cette loi divine finit tôt ou tard par réémerger, par réapparaître dans le sang des martyrs et des confesseurs pour le bien de tous, pour permettre à chacun de retrouver la lumière de la vérité !
« La difficulté actuelle que nous rencontrons, vient de ce que cette morale humaine, transcendante, qui est écrite dans tous les cœurs, n’est généralement plus partagée à l’intérieur de la société. Et donc, elle se fractionne en moralités relatives. Et nous voyons dès lors des gens, une société qui se tourne vers le législateur, vers les juges, pour leur demander, pour leur exprimer ce désir moral absolument contraignant pour tous. C’est ce que nous verrons dans les prochains projets de loi, sur la moralisation par exemple. » disait récemment l’écrivain et avocat François Sureau. Une société est civilisée à travers ce qui tient les personnes debout dans leur raison personnelle ! Nous ne devons pas attendre des autres qu’ils édifient l’homme. L’homme s’édifie intérieurement à la lumière de la Parole, de l’amour de Dieu pour nous.
5/ Ce qui dans l’homme ne vient pas de l’homme
Je voudrais, pour terminer, que nous prenions pleinement conscience de ce que la foi catholique est dans notre pays : ce par quoi la politique peut et va retrouver sa force. Car notre responsabilité de chrétiens est non pas d’intervenir dans un rapport de forces dans notre pays, mais en étant capables de redonner de la force à tous ceux qui font la vie de ce pays, de redonner la conscience de ce que nous avons en commun, tous, au plus profond de nous-mêmes, cette loi de Dieu qui est écrite dans nos cœurs.
Dévoilons les ressorts de la nature humaine ! Nous avons la responsabilité de sauver ce qu’il y a dans l’homme, ce qui ne vient pas de l’homme et ce sur quoi les transformations extérieures de l’homme n’auront pas d’effet : son cœur, son âme, la promesse que Dieu a faite à chacun de ses enfants de les appeler à l’éternité bienheureuse. Il y a en tout homme deux profondeurs : la profondeur de son cœur qui est fait pour aimer d’un amour infini, et il y a une autre profondeur qui s’ouvre devant lui lorsqu’il prend conscience de sa vie intérieure, c’est la profondeur de l’éternité de Dieu, de notre destinée commune, puisque la vie humaine s’achève dans le cœur de Dieu.
Terminons, une fois encore, avec ces quelques mots de Thomas More, écrits à sa fille Margaux : « Ma chère Margaux, je suis absolument certain que, sauf péché de ma part, Dieu ne m’abandonnera pas. En toute espérance et sécurité, je vais donc totalement me confier à Lui. S’il me laisse périr à cause de mes fautes, je servirai au moins à glorifier Sa justice ! J’espère pourtant que Sa tendre pitié gardera ma pauvre âme saine et sauve, et fera que l’on verra en moi resplendir Sa miséricorde plutôt que Sa justice. » Amen.
Père Laurent Stalla-Bourdillon